Entretien avec Alain Mercier, commissaire de l'exposition
Quelles ont été les « trois révolutions du livre » ?
Les évolutions marquantes du livre ont été nombreuses. Pour les résumer en trois « révolutions » décisives, on doit évoquer l’apparition de la typographie en Europe, à la fin du Moyen Âge, l’industrialisation de l’imprimé, au XIXe siècle et enfin, sa dématérialisation, à partir des années 1950. La technique est au cœur de cette trilogie.
Pourquoi avoir rythmé ces « trois révolutions » en quatre parties ?

C’est toujours par rapport à l’existant qu’une rupture prend effet.
La « révolution-Gutenberg » ne s’est pas faite au lendemain de la création du monde ! L’événement s’était préparé depuis des siècles. On considère toujours la naissance de l’écriture comme une « préhistoire » de l’imprimé (et donc du livre). Or elle n’est pas leur seul principe fondateur. Bien avant l’écriture, l’homme a inventé l’empreinte en Orient. Une découverte primordiale, à laquelle la première partie de l’exposition fait large place.
Au milieu du XVe siècle, quand Gutenberg et les premiers typographes allemands « inventent » l’imprimerie en Occident, l’Extrême-Orient utilise déjà, pour imprimer, la gravure sur bois depuis des siècles. On connaît même la typographie mobile, en Corée et en Chine ! Quant au codex ou livre à pages, c’est une invention romaine du Ier siècle de notre ère. Autant dire que l’Antiquité a préparé déjà très concrètement les « trois révolutions livre »…

Vous n’évoquez pas le livre des siècles classiques dans cette exposition ?
Il est vrai que pendant la Renaissance, puis au XVIIe siècle et jusqu’à la fin du Siècle des Lumières, le livre connaît des évolutions esthétiques manifestes. Mais pas de tournant technique radical ! Au contraire, l’ère industrielle oriente les industries graphiques vers la voie d’une mécanisation de plus en plus systématique. Au XIXe siècle, l’acier, la vapeur, l’électricité, conquièrent la machine. La photographie ouvre au livre des horizons illimités. C’est pourquoi j’ai privilégié, plutôt qu’un panorama linéaire depuis le XVe siècle, ce temps fort qu’est l’époque romantique, car c’est alors que se joue réellement la deuxième révolution du livre. Le cylindre fait son apparition dans les presses d’imprimerie ; la composition manuelle est remplacée par le clavier. Deux progrès de grande importance pour la suite de l’histoire…