L'exposition regroupe
140 uvres fragiles et rares. Certaines sont des monuments
de l'histoire du livre et de l'imprimerie. Quelles sont les
principales difficultés auxquelles vous avez été
confronté ?
Lensemble
des intervenants, le scénographe comme le commissaire
et lentreprise chargée du montage, doit respecter
des normes de conservation particulièrement strictes.
Pour donner deux exemples, les uvres ne peuvent être
exposées plus de trois mois et la luminosité
autorisée ne doit pas dépasser 50 lux. Observer
ces contraintes est une chose, mais il convient aussi de concevoir
une scénographie qui privilégie le confort du
visiteur. Nous avons porté une attention particulière
à la présentation des uvres et à
leur lisibilité. La scénographie doit inciter
le visiteur à décrypter les uvres et à
stimuler toujours sa curiosité et son plaisir. De linclinaison
des uvres à leur éclairage, tout est calculé
pour que chacun puisse sapproprier sans difficulté
les histoires que racontent ces livres et ces objets.
Vous avez déjà
travaillé pour la Bibliothèque nationale de
France et vous avez déjà exposé des livres.
En quoi cette exposition diffère-t-elle des autres
expériences que vous avez en la matière ?
Lexposition
retrace lévolution des techniques de limprimé.
Ce nest pas une exposition sur lhistoire de lécriture.
Chaque livre présenté raconte une histoire,
ou plutôt plusieurs histoires simultanément.
Il témoigne non seulement dune pensée
ou dune intention dauteur mais aussi, en filigrane,
des modes de fabrication, des progrès techniques, des
spécialités de limprimeur, des mentalités
et des cultures, des choix éditoriaux, du public visé,
des usages et des pratiques
Votre scénographie
est très poétique. Je pense notamment à
lévocation du feuillage, à la matérialité
des portiques, à la disposition quasi « aérienne »
des livres
Malgré votre souci dun « esprit
général », chaque partie de lexposition
acquiert avec force sa propre spécificité. Comment
avez-vous concilié ces tendances paradoxales ?
Ces révolutions
sont des ruptures déterminantes, qui doivent être
matérialisées dans lespace. Le visiteur
est dabord accueilli par le ballet incessant de systèmes
de multiplication mécanique de signe (empreintes, presses
)
sur des écrans. Puis les couleurs, lordonnancement
des vitrines et les portiques, qui sont autant de seuils à
franchir, créent des rythmes et des tensions différents
dans le parcours.
Chaque partie est nettement différenciée. À
la déambulation de la première salle, consacrée
à lAntiquité, succède la solennité
de la deuxième, « les berceaux de limprimerie »,
puis leffervescence de lère industrielle
et la diversité de lépoque contemporaine.
Mais les révolutions techniques sont souvent des transitions
imperceptibles et lentes. Les applications de certains progrès
voient le jour longtemps après les inventions. La coexistence
des traditions et des innovations, leur interférence
parfois, doivent être exprimées aussi par la
scénographie. Cest en ce sens quune bonne
scénographie doit toujours « faire corps »
avec le propos dune exposition.
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